pour que soit rendue la Parole à la Parole
Présentation
Epître aux jeunes acteurs, pour que soit rendue la Parole à la Parole a été écrit en Mars 2000, à l’occasion de l’action « Théâtre des limites » organisée par l’Académie expérimentale des théâtres. Cette conférence est la réponse d’Olivier Py à la demande, faite par le directeur du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, d’un texte théorique sur l’art théâtral, destiné aux apprentis acteurs.
Un acteur, incarnant le temps d’un spectacle une tragédienne, vient sur scène pour exhorter le public à relever la flamme de la parole.
Au cours de cette supplique, le rabat-joie, le responsable culturel, le policier du désir, le ministre de la communication, le directeur du conservatoire d’Art Dramatique, celui qui demande vraiment, le porc moderne et l’enfant qui prête serment comptent bien se faire entendre également.
Qu’adviendra-t-il de la parole ?
Thomas Pouget
Thomas Pouget est acteur et metteur en scène. Formé au conservatoire du Puy en Velay, du Grand Besançon et du Grand Avignon, il est assistant metteur en scène et comédien avec notamment Olivier Py (Le Roi Lear en 2015 et Orlando en 2014). Il a travaillé avec Jacques Rozier, Yves Marc, Martine Viard… Il enseigne le théâtre aux jeunes enfants auprès du Festival d’Avignon « In ». En 2013, il signe sa première mise en scène, Enivrez vous.
Olivier Py
Olivier Py est acteur, metteur en scène, dramaturge, chanteur, traducteur, auteur, réalisateur. Il accompagne sa formation théâtrale (Ecole nationale supérieur des arts et techniques du théâtre et Conservatoire national supérieur d’art dramatique, en 1987) d’études de philosophie et de théologie, à l’Institut Catholique. Sa première pièce, Des Oranges et des Ongles, est créée au théâtre Essaïon en 1988. La même année, il fonde sa propre compagnie, « L’Inconvénient des Boutures », avec laquelle il met en scène ses textes. Nommé directeur du Centre dramatique national d’Orléans en 1997, il prend dix ans plus tard la direction de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, puis celle du Festival d’Avignon en 2013. Attiré par l’opéra comme art total, Olivier Py met en scène « par amour de la musique ». Il signe 23 mises en scène entre 1999 et 2013.
Note d’intention
La Parole est cet amour qui s’incarne dans l’oralité sous la forme d’une Promesse. Quand un homme promet, il dit : Je te donne ma parole. C’est cette parole-là qui vient parfois dans l’exercice de la parole que nous faisons sur scène. Toute parole se soutient d’une promesse, est la forme d’une promesse. La Parole est la chair de la Promesse. Entre hommes, une fois les besoins tus, il reste à partager la vie même, la joie même, l’Espérance. Cela est vrai que l’espérance peut vaincre la mort, tant qu’elle passe d’un cœur à l’autre il n’y a pas de raison que la mort la rattrape.
Aucun contrat séculier ne saurait obliger à l’Espérance. Mais de l’un à l’autre, elle passe. Elle passe, parce que dans un tremblement de la voix, dans une façon de réquisitionner le corps, de mettre devant sa bouche le testament, dans cette façon d’affirmer que l’on parle, il y a possibilité de prendre sur soi la foi de l’autre, comme de prendre sur soi la douleur de l’autre ; et ceci, bien au-delà de ce qui en est dit.
J’affirme que cette transmutation de la vie d’une âme dans une autre ne peut s’accomplir que par la Parole. Et quand l’exercice de la parole est ravalé à la communication animale d’un besoin, quand on doute qu’il y ait de la Parole dans la parole, quand on méprise les mots, quand on crotte le lyrisme, on assassine le fait humain dans sa plus grande vertu.
Olivier Py, Epître aux jeunes acteurs