Sacre, sucre, sale

Sacré, sucré, salé

Texte, conception et jeu : Stéphanie Schwartzbrod
Extraits : Le repas de Valère Novarina, Gabattha de Fabrice Hadjadj
Mise en scène : Stéphanie Schwartzbrod et Nicolas Struve
Collaboration artistique : Michel-Olvier Michel
Lumière : François Pierron
Son : Eric Sesniac
Production : Cie L’Oubli des cerisiers
Co-production : NEST – CDN de Thionville

Crée au NEST-CDN de Thionville, puis joué au festival Les Semailles de Missery, au TAPS à Strasbourg, au Théâtre Municipal de Roanne. Repris à Avignon (Festival Off 2014), puis de mars à juin 2016 au théâtre de l’Aquarium, au Centre des Bords de Marne, au théâtre de l’Apostrophe de Cergy-Pontoise, en décentralisation (Gonesse, Eragny-sur-Oise, Jouy-le-Moutiers, Pontoise, Vauréal et à Vandoeuvre-lès-Nancy.

Je suis comédienne mais également, par les hasards de la vie et par passion, auteur de plusieurs livres de cuisine. C’est pourquoi, Jean Boillot, directeur du NEST-CDN de Thionville, m’a demandé d’inventer un spectacle autour de la cuisine pour le festival Taste qui a eu lieu en janvier 2012 entre Metz et Thionville. J’ai eu envie d’adapter pour la scène un de mes livres auquel je suis particulièrement attachée, Saveurs sacrés, qui est paru chez Actes Sud en 2007 et qui a été vendu à plus de 4000 exemplaires.

Sacré, sucré, salé est un  spectacle qui parle du temps qui s’écoule, rythmé par les fêtes juives, chrétiennes ou musulmanes, qu’elles nous soient proches, ou plus mystérieuses. C’est un spectacle qui parle de la foi, mais sous l’angle particulier de la nourriture. Comment celle-ci porte un sens, comment elle peut se faire parole tout en restant joyeuse, gourmande… comment l’on aime manger « non ce qui est bon à manger mais ce qui est bon à penser ». L’espace de jeu s’y remplit des odeurs de la chorba, soupe qui rompt le jeûne chaque soir du mois du Ramadan, et qui est préparée sur la scène durant le spectacle et servie au public après les applaudissements.

C’est une sorte de cabaret un peu mystique mêlant le burlesque avec peut-être quelque chose de plus profond. Un cabaret rempli de récits et d’histoires : comment, à Roch Hachana, la nourriture se transforme littéralement en parole ; comment l’ascèse se transforme en champ d’exercices; comment Esther déjoua la première extermination des juifs en préparant un immense festin; comment une petite vieille s’émerveille de manger chaque jour l’hostie; comment une femme vit tout au long du jour le ramadan; comment les hébreux traversèrent la Mer Rouge et ce qui en découla ensuite dans les assiettes de milliers de juifs du monde entier… et bien d’autres choses encore.

Une forme théâtrale multiple,
empreinte de burlesque

Ma préoccupation constante a été : comment faire du théâtre avec quelque chose qui, à priori, relève plus de la conférence. Et petit à petit, au fil des répétitions, la scène s’est transformée en un espace de conte, de sketch, même de cinéma (avec un court extrait des 10 commandements de Cécil B De Mille, durant lequel les pains matsot de Pessah se transforment en popcorn), ou encore de liturgie, avec la Semaine Sainte. Ce spectacle raconte aussi que croire n’est pas chose sans sensualité, et que la « passion de croire » n’est pas tout à fait étrangère à la passion de jouer, et à l’état amoureux : ils ont en commun le ravissement -ou la béatitude, qui côtoient intrinsèquement le burlesque. Cette dimension est donc très présente.

Impliquer le public, convoquer les sens

J’avais envie de faire participer le public. Ainsi je questionne les spectateurs, je leur fais agiter des crécelles au nom d’Aman, le méchant, et pousser des cris de joie au nom de Mardochée, le gentil, durant l’évocation de la fête de Pourim; ou encore « à la veille de Pessah », j’inspecte la salle avec une lampe de poche pour voir s’ils n’ont pas laissé des miettes de ce qu’ils ont mangé avant de venir… Il me paraissait surtout très important de faire participer les sens, car la nourriture est par nature sensuelle. J’avais envie que les spectateurs sortent du spectacle en ayant envie de manger : c’est pourquoi je tiens à leur offrir la chorba. Ainsi, j’ai voulu jouer avec l’odeur, le goût, mais aussi avec l’écoute, grâce à la musique qui est très présente, des chants du muezzin, et du son des cloches, aux chants de Yossele Rosenblatt, cantor ashkénaze des années 30, au violoncelle de Sonia Wieder Atherton, ou encore à une chanson extrêmement contemporaine de Daniel Darc, Sois sanctifié.

De sept à quatre-vingt-dix-sept ans

C’est un spectacle très ludique, où les enfants sont tenus en haleine. Ils sont par ailleurs très sensibles à la notion du « sacré », comme à la symbolique des choses ou des récits. Ils aiment apprendre le sens des fêtes qu’ils traversent tout au long de l’année, et par là même, de ce qu’ils mangent. Nous avons constaté que ce spectacle touche particulièrement les scolaires, heureux pour certains qu’on parle de leur culture.

Le théâtre est un geste de foi. Un instant le spectateur met son jugement en suspens (jugement qui lui dit qu’il n’y a sur le plateau ni ce roi ni cet esclave ni cet amoureux que l’acteur joue). Or, nous sommes tous gens de raison et si nous suspendons avec tant de constance notre jugement pour adhérer au jeu du comédien ou de la comédienne, c’est que dans ce suspens se joue l’essentiel d’un accord. Un accord, un lien, un pacte qui, quoi qu’on en dise comptent pour nous. Ainsi voilà trois façons, parmi bien d’autres, pour nous de nous lier : la religion, la nourriture, le théâtre. Trois modes où se discerne le commun d’une passion qui, comme toutes les passions, confine à la déraison et parfois engendre le pire.

Un autre regard sur la foi

Un geste qui ne va pas sans un peu de burlesque, et cela parce que le croyant comme le passionné ont leur part de burlesque – l’impossibilité de prouver que l’objet de leur foi existe pour l’un et que l’objet de leur passion mérite un tel transport pour l’autre. Mais accepter de prêter à rire, autour d’un plat commun, n’est-ce pas le début de la raison ?

Parler de ce qui nous rassemble

Par sa nature, c’est un spectacle rassembleur, qui apprend beaucoup de choses sur ce qu’on mange, mais aussi sur ce qu’« ils » mangent. Les pratiques et coutumes de ces trois religions sont reliées, et reposent sur un socle commun, dont elles ont hérité. En les abordant par leurs pratiques festives et culinaires, on trouve un moyen de mettre en avant ce qui les rapproche.

Un écho universel

Ce spectacle peut trouver un écho en chacun des spectateurs, qu’il soit croyant, athée ou agnostique. Cette femme qui passe d’un récit et d’une religion à l’autre, d’un personnage à l’autre, est toujours mue par une même passion : celle de penser le monde, de l’organiser, de lui donner sens, et d’inscrire sa vie dans une histoire ou une continuité. Cette quête, bien qu’elle s’exprime différemment chez chacun de nous, est bien la plus universelle qui soit. Comme l’hommage rendu au jeûne spirituel, le rapprochement de la pensée et de la faim nous suggère que quelque chose les relie, que l’une est aussi vitale que l’autre, et que la quête de sens ne va pas sans les sens.

Stéphanie Schwartzbrod

Formée par Antoine Vitez à l’école du Théâtre National de Chaillot (1986-1988) puis par Viviane Théophilidès, Madeleine Marion et Jean-Pierre Vincent au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (1988-1991), elle a travaillé au théâtre entre autres avec Alain Ollivier(A propos de neige fondue), Alfredo Arias (Les escaliers du Sacré Cœur), Charles Berling et Michel Didym (Succubation d’incubes), François Rancillac (Ondine), Bernard Sobel (Threepenny Lear), Jeanne Champagne (Penthésilée), Stuart Seide (Henry V), Stanislas Nordey (Bêtes de style, La légende de Siegfried), Yves Beaunesne (Un mois à la campagne), Frédéric Fisbach (L’annonce faite à Marie, Tokyo Notes, Les feuillets d’Hypnos), Olivier Werner (Les revenants), Jacques Nichet (Casimir et Caroline, Les cercueils de zinc), Maria Zachenska (Cette nuit), Arthur Nauziciel (Le Malade imaginaire), Elisabeth Chailloux (Sallinger), Daniel Janneteau (Anéantis), Nicolas Struve (Ensorcelés par la mort, De la montagne et de la fin), Claude Buchvald (La folie Sganarelle), Jean Boillot (Notre avare, Les morts qui touchent), Claude Brozzoni (Les cygnes sauvages), Lisa Wurmser (Entre les actes), Laurent Gutmann (La putain de l’Ohio), Jean-Paul Rouvrais (Identité) et Laurent Vacher (Combat de nègre et de chiens).

La compagnie L’Oubli des cerisiers

https://www.oublidescerisiers.fr/

La compagnie l’Oubli des cerisiers a été fondée en 1999 à l’occasion de la création d’Une aventure de Marina Tsvetaeva aux Rencontres Internationales de Théâtre de Dijon (traduction et mise en scène de N. Struve).

La compagnie reste en sommeil jusqu’à la création en janvier 2008 au Studio Théâtre de Vitry (direction Daniel Janneteau) de Ensorcelés par la mort de Svetlana Alexievitch (mise en scène Nicolas Struve) qui fut joué à la Maison de la Poésie, au Nouveau Théâtre de Montreuil, au TQI, à la fête de l’Humanité, au CDR de Tours, à la Comédie de Valence, au Théâtre des sources, au Phénix de Valenciennes, au Forum Meyrin (Suisse) etc. en tout plus d’une soixantaine de fois.

En 2009, à la Maison de la Poésie, sous la direction de Claude Guerre, a lieu la création de De la montagne et de la fin de Marina Tsvétaïeva (traduction et mise en scène de Nicolas Struve). Le spectacle sera recréé en 2011 à la Maison de la Poésie de Paris pour une deuxième série. Lui aussi, aura été joué une soixantaine de fois.

En 2017, la compagnie créera A nos enfants (train fantôme) mis en scène par Nicolas Struve, avec Stéphanie Schwartzbrod, Farid Bouzenad, Dominique Parent et Gaëlle Le Courtois au TGP de Saint-Denis, à l’Apostrophe de Cergy-Pontoise, au Théâtre Dijon Bourgogne et au Théâtre Antoine Vitez d’Aix-en-Provence.

Extraits de presse Sacré, Sucré, Salé

… la popote de cette drôle de ménagère, ça dépote ! Qu’elle détaille des branches de céleri, se déhanche sur des rythmes orientaux ou prie le Saint Père, la jeune femme décortique les saisons à travers les traditions culinaires des fêtes religieuses. De l’Epiphanie à Hanoucca, racontant Pâques ou Pourim, les plats énumérés ne manqueront pas de faire saliver et voyager. Une nourriture autant spirituelle que roborative (…)   est un met aussi épicé et croustillant qui interroge sur le rapport métaphysique entre la pensée et la faim. (…) Une pièce haute en couleurs comme en odeurs, à savourer mais surtout à dévorer !

L’Est Républicain, 27/01/2012

D’étymologie en anecdote, l’actrice cuisinière saute d’un repas de fête à l’autre avec jubilation, la sensualité fait le liant entre les différentes religions dont le spectacle dessine le tronc commun. Du sacré au sucré, il n’y a qu’un pas et même qu’une lettre, comme de la scène à la Cène. (…) Émoustillé, le public, croyant ou pas, est vite emporté par la joie communicative de l’actrice. Qui résisterait à la voir, sous le même tablier, passer d’une mère musulmane attendant fébrilement l’heure de la rupture du jeune à une mère juive nous invitant à honnir le nom d’Aman et à exalter celui de Mardochée au moment de la fête de Pourim ? (…) Le spectacle s’achève quand la chorba est prête. Il est conseillé de s’en mettre un bol derrière le gosier après qu’on a applaudi l’actrice aussi excellente que sa chorba.

Jean-Pierre Thibaudat, L’Obs Rue 89, 8/07/2014

Sacré, Sucré, Salé. S’inspirant de son savoureux ouvrage de recettes Saveurs sacrées (ed. Actes Sud) Stéphanie Schwartzbrod, aussi délicieuse comédienne que fin cordon bleu, célèbre les trois grandes religions à travers leurs cuisines de fêtes : mawlid, aïd, carême, pâques, pessah, hanoucca, pourim… Le ton est vif, malicieux quand elle se travestit en juif hassidique. Mais c’est sans se moquer jamais. Savante, elle fait se répondre en écho l’histoire d’Esther et le Cantique des cantiques. Pendant tout ce temps, Stéphanie Schwartzbrod s’affaire, mijotant une appétissante chorba que le public est invité à déguster, à peine la représentation finie.

Didier Méreuze, La Croix, 6/7/2014

Contacts

Diffusion : Anne Marchionini anne.marchionini@gmail.com
Administration : Danièle Gironès daniel.girones@orange.fr
Contact artistique : Stéphanie Schwartzbrod st.schwartz@neuf.com